"MATIÈRE MATÉRIAUX" du samedi 25 janvier au 8 mars 2025

La matière est le subjectile à l´état brut, le matériau, ce qui est déjà mis en forme. La matérialité, ce qui les réunit. Or peut-on penser la matière sans évoquer l´immatériel, le « vide » ? Cet état n´est pas opposé ou complémentaire à la matière mais en est le corollaire. Le « vide » est constitué de microparticules, d´ondes, ce sans quoi rien n´existe mais que tout rassemble. 

En ce début d´année 2025, trois plasticiens, deux femmes et un homme, deux générations différentes investissent l´espace de la galerie associative à Beauvais, offrant à ressentir ce qui les réunit comme ce qui les distingue ou les oppose au sein des deux salles de l´espace associatif.

Elisabeth Gore, originaire de Dunkerque, vit et travaille à Beauvais depuis plusieurs années. Elle crée un univers pictural d´éléments à la fois réunis et épars, orchestrant des partitions subtiles de terre de sienne, d´ocres, de rosés, de bleu nuit, de gris anthracite qui jouent de l´incident, de l´imprévu, perturbés parfois ici ou là par un rouge garance ou vermillon. Elle traduit la rutilance des choses ou au contraire leur âpreté souvent balisée, réveillée, révélée- par un bleu profond ou un rouge stimulant. Des alluvions, des dépôts, des failles, des anfractuosités, des cratères mais aussi des espaces entre, des espaces de couleurs-matières incarnés. Notre peintre arpente des territoires à la recherche d´un accord par le désaccord même, réunissant les contraires. Les tons, les demis tons, les quarts de tons s´épousent et se repoussent, s´articulent ou se désarticulent pour se rassembler sur la toile ou le papier. Jean Hélion écrivait à peu près en ces termes: « J´aime l´ordre quand il est corrigé par le désordre, la diversité épaulée par l´unité ». Elisabeth Gore poursuit inlassablement la recherche d´une cadence, d´un équilibre pictural, à travers les écueils de la matière. Le poète Denys-Louis Colaux a trouvé ces mots si justes concernant son travail :« Je cherche à mettre des mots sur ce que je découvre sur ses surfaces de tons chauds : une entomologie picturale, la traduction du souffle en hiéroglyphes, l'essentiel établi dans l'infime, l'unité troublée, émue par un dépôt ». (Source : elisabeth-gore.com)

Le matériau papier trempé, imprégné d´encres de couleurs en suspension chez Natalia Jaime-Cortez est le prétexte, la matière première de ses installations qui entrent en résonnance avec l´espace qui les accueille. Le lieu, les dimensions pluri-sensorielles de l´espace, les distances, l´articulation du plein et du vide, la lumière naturelle ou artificielle déterminent la disposition et le dialogue entre papier encrés, assemblés, superposés en tout ou partie. La plus ou moins grande opacité ou transparence, la plus ou moins forte dilution de la matière-couleur fait corps avec le matériau (papier) au point que l´on en oublie le support, sa matérialité, sa mise en situation dans l´espace pour parcourir ces espaces immersifs nous invitant au voyage.

En contrepoint, Marc Kraskowski, installé à Senantes dans l´Oise depuis des années, manipule des matériaux bruts (bois, verre, ciment, plâtre, tuile, ardoise) qu´il assemble, articule, juxtapose, créant des rapprochements audacieux. Le bas-relief, la sculpture sont le résultat d´une rencontre sensitive entre plusieurs matières et matériaux. L´artiste ne cherche pas nécessairement et toujours à s´abstraire d´un référent mais à créer des rapprochements inattendus de matières sensibles propres à dérouter l´imagination ou les sens des spectateurs. Il enrichit le monde de nouveaux objets poétiques.

Commissariat, Anguerran Frantz-Tanguy

Vernissage le samedi 25 janvier 2025 à 18h